Deux années de pandémie seront bientôt écoulées et dans ce contexte, le secteur du Luxe confirme certains grands virages et tendances observées : entre la prospérité du marché chinois et l’émergence d’un marché plus flamboyant en Amérique du Nord, des défaillances sur la chaîne de production (pénuries) dans un contexte où l’exclusivité tend à jouer un rôle croissant, y compris dans une existence « méta ».
Outre sa capacité de changement, de nouvelles formes d’agilités permettent de trouver en permanence des réponses et assurent la continuité du mythe – la promesse de délivrer un monde meilleur.
État du monde
Véritable tour de force, la Chine impose sa position de leader sur le marché, avec des ventes nationales qui représentent une moyenne de 30% du niveau des ventes au global.
La prospérité chinoise exerce une sorte de fascination et renvoie à un certain idéal d’harmonie sociétale dans la mesure où elle vise à réduire les écarts entre extrêmes pauvreté et richesse. Sur le papier, les problèmes de répartition de richesses demeurent ; cependant, la demande pour les biens de luxe a essentiellement été alimentée par les classes moyennes et non les ultra-riches. La trajectoire de géants tels que LV, Prada ou Cartier vont dans ce sens, celui de la prospérité de la Chine du Milieu.
Aux États-Unis, la demande domestique explose. De la même façon, une ouverture réduite des frontières a favorisé les staycations tandis que le marché immobilier s’envolait, notamment dans certains resorts de Floride. De nouveaux consommateurs continuent d’entrer sur le marché : la richesse du Nouveau Monde ne cesse de fasciner et en dépit de certaines productions alarmistes au sujet de la richesse créée, l’Amérique bénéficie de la coexistence à la fois d’un marché de statut (relativement ancien) et d’un second marché encore « émergent ». En d’autres termes, les clients de demain continuent d’affluer.
Vers une chaîne de production locale ?
Ce portrait idyllique fait cependant planer certaines menaces, notamment au regard de la disponibilité des produits… Retour sur l’univers du Sport et son association croissante au dernier visage du Luxe par la montée en gamme d’un Nike ou la reconnaissance d’un certain lifestyle en adéquation avec les valeurs du Fitness.
Puma vient d’annoncer dans un communiqué la crainte d’une pénurie autour des références les plus recherchées à l’approche des Fêtes. Son CEO recommande d’effectuer les achats de Noël bien en amont, pour éviter frustrations et déceptions. De la même façon, Nike pourrait voir ses profits à la baisse suite aux problèmes de production rencontrés au Vietnam – la fermeture de ses usines en raison de l’explosion des cas de Covid-19.
Cette problématique ne concerne pas autant les Maisons historiques dans la mesure où les sites de production demeurent massivement européens (France, Italie, Suisse). Néanmoins, ces craintes redessinent les contours d’une nouvelle tendance où le made by viendrait remplacer le made in dans une double perspective simple : devenir plus responsable et répondre aux attentes des locavores. En corollaire direct, les sites de production se rapprocheraient au plus près des consommateurs locaux, avec l’initiative relativement récente de Louis Vuitton US baptisée made by Americans.
Un nouveau paradigme
Derrière les pénuries mentionnées, se cache une réalité qu’il est difficile d’ignorer : la pandémie n’a pas affecté la désirabilité du secteur. Bien au contraire. S’il reste superficiel voire artificiel, ce besoin se manifeste de plus en plus avec la crise sanitaire. Le rebond ne serait pas juste lié à une forte demande ou un accroissement de l’épargne des ménages, il rejoint une dimension plus culturelle et nourrit un désir universel de bien-être dont le Luxe est un artisan à part entière. Puisqu’il a le pouvoir de mettre un sourire sur chaque visage, ce changement de perspective prend tout son sens dans une économie de crise – c’est par et dans la promesse qu’il peut exercer tout son attrait.
Le rêve et l’Imaginaire se renforcent dans un dernier espace, le métavers. Le monde sature déjà de Crypto et méta, de collectors et avatars, sans oublier les jeux et NFTs – les Non Fungible Tokens tels une collection d’objets numériques sur la blockchain… S’il convient d’interroger le nouveau nom et visage de Facebook, il a définitivement pris le pas sur la Tech. Si certaines marques ont exprimé et manifesté leurs réticences à rejoindre un environnement commercial multicanal, ou si le vintage ne convainc pas encore toutes les enseignes, les Maisons entretiennent un rapport sans précédent aux NFTs. À titre d’exemple ultime, les certificats d’authenticité associés à un objet virtuel témoignent d’une accélération des ventes d’art contemporain, au point de représenter 2% du marché global en 2020-21. Un programme informatique est même parti pour 5,4 millions de dollars chez Sotheby’s début juillet.
Tous les acteurs semblent désormais embarquer vers une grande aventure virtuelle, où services et produits rejoignent une dimension inédite… Et durable ?